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Cette année marque la 8e année de progrès dans la recherche sur le contrôle des oiseaux dans mon laboratoire. Il y a huit ans, j’ai posé ma question habituelle à un groupe de producteurs laitiers : « Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit? »
Habituellement, les réponses portent sur des sujets sur lesquels je n’ai aucun contrôle, comme le prix du lait ou le coût des aliments.
Cette fois-là, toutefois, les préoccupations étaient différentes. De nombreuses fermes laitières étaient envahies de milliers d'oiseaux qui mangeaient et contaminaient la nourriture des vaches, tout en salissant les bâtiments avec leurs excréments. Certains agriculteurs ont confié qu’ils estimaient leurs pertes annuelles à environ 200 000 $ – en pertes d'aliments seulement. J’étais estomaquée.
Pourquoi était-ce la première fois que j’entendais parler de ce problème? Pourquoi y avait-il aussi peu de recherche sur un problème qui semblait aussi important? Que pouvais-je faire pour aider?
Il y a huit ans, j’ai pris l'engagement d’aider les producteurs laitiers à trouver des réponses à ce problème d’oiseaux. La première étape était de rassembler une équipe d'experts. Notre équipe comprenait la professeure Karen Steensma, biologiste de la faune et productrice de lait, Stéphanie Shwiff, docteure en économie et chargée de recherches, et la docteure Susan Kerr, vétérinaire.
La deuxième étape était d'obtenir une meilleure estimation des pertes économiques causées par les oiseaux sur les fermes laitières. Selon une étude réalisée auprès de producteurs laitiers de l’état de Washington, le coût des pertes d’aliments causées par la consommation et le gaspillage par les oiseaux équivalait à 55 $ par vache par année. Nos calculs ont démontré que les oiseaux causaient des pertes annuelles de 14,7 millions $ à l’industrie laitière, dans l’état de Washington seulement. Ce chiffre est impressionnant. D’autant plus qu’il ne tient pas compte des dommages causés aux bâtiments ou de l’impact potentiel de la présence des oiseaux sur la santé des vaches.
Au cours des années suivantes, nous avons mené des recherches qui nous ont permis de suivre le nombre d'oiseaux sur les fermes laitières, de mesurer la diminution de la valeur nutritive des aliments à la suite de la déprédation des oiseaux, d’évaluer les pathogènes présents dans la matière fécale des oiseaux, de déterminer si la présence des oiseaux à la mangeoire affecte le comportement des vaches et de tester l’efficacité de différentes méthodes d’effarouchement. Après avoir compilé les résultats de ces huit années d’études, voici cinq conseils à retenir.
1. Collectez des données sur les oiseaux... maintenant
Avant d’élaborer un plan de gestion, il faut connaître l’ampleur du problème. Le nombre d’oiseaux sera probablement plus élevé dans votre étable par temps froid parce qu’ils recherchent de la chaleur et une source fiable de nourriture – les aliments de vos animaux.
Il n’est pas très difficile d'estimer le nombre d’oiseaux dans un grand groupe. La méthode que nous utilisons consiste à compter un groupe de 10 oiseaux qui se tiennent ensemble et de prendre une photo mentale. Nous estimons ensuite le nombre de groupes de 10 oiseaux que nous voyons. Ce n’est pas un calcul parfait, mais cela donne une bonne idée.
En plus de connaître le nombre d’oiseaux, il est également important de connaître l’espèce. Dans notre sondage auprès des producteurs laitiers, quelques agriculteurs ont déclaré avoir observé la présence de plus de 50 000 oiseaux en une journée. Les espèces d’oiseaux les plus communes sont l’étourneau sansonnet, le pigeon, le corbeau et le moineau. Une fois que vous avez une bonne estimation de la population d’oiseaux sur votre ferme, vous pouvez prendre des mesures concrètes.
2. Effectuez une analyse coûts-avantages de la méthode d’effarouchement
Vous pouvez maintenant estimer – au meilleur de vos connaissances – les dommages que les oiseaux causent à votre ferme. Commencez par le plus facile : les pertes d'aliments. Si votre capacité d’estimation n’est pas bonne, vous pouvez utiliser une moyenne de 4,4 % de pertes d'aliments dues à la déprédation par les oiseaux et au gaspillage. Ensuite, tentez d’évaluer les dommages causés par les oiseaux à vos bâtiments. Les excréments d’oiseaux peuvent corroder la structure.
Ces deux types de dommages/pertes sont les seuls qu’il est réellement possible d'estimer. Le lien potentiel entre les agents pathogènes présents dans les excréments d’oiseaux et la santé des vaches n’est pas encore assez bien compris. Il n’est donc pas possible d’ajouter des coûts de traitement des vaches au montant des pertes économiques causées par les oiseaux.
Vous devriez maintenant avoir une estimation des dommages causés par les oiseaux sur votre ferme. Comment leur coût se compare-t-il au coût de votre méthode d'effarouchement préférée? Je connais plusieurs agriculteurs qui préfèrent tirer les oiseaux comme méthode d’effarouchement parce que c’est relativement peu coûteux – en particulier si vous êtes un bon tireur. Toutefois, cette méthode n’est pas très efficace. Après avoir effectué votre analyse coûts-avantages, il est possible que vous décidiez d’investir un peu plus dans vos méthodes d’effarouchement. Ou peut-être réaliserez-vous que votre méthode actuelle fonctionne. Si c’est le cas, continuez votre bon travail.
3. Attention aux agents pathogènes transmis par les oiseaux
Il manque actuellement de données pour établir un lien entre la santé des vaches et la présence d’oiseaux. Toutefois, nous savons que Campylobacter jejuni se retrouve dans les excréments d'oiseaux sauvages. En fait, des études ont rapporté que jusqu’à 50 % de leurs échantillons d’excréments d’oiseaux contenaient Campylobacter jejuni. Cet agent pathogène représente un risque pour votre santé et celle de votre troupeau. Peut-être vous souvenez-vous d’avoir entendu parler de maladies d'origine alimentaire causées par campylobater. Bien entendu, la salmonelle et Escherichia coli sont d’autres agents pathogènes préoccupants qui peuvent se retrouver dans les excréments d’oiseaux.
4. Implanter les méthodes d'effarouchement en été
Même si le nombre d'oiseaux sur votre ferme risque de culminer pendant les mois les plus froids de l’hiver, le fait d’implanter les méthodes d’effarouchement en été est la clé de votre réussite. Les oiseaux sont aussi imprévisibles que la météo. Dès que le premier coup de froid se fait sentir, les oiseaux commencent à chercher un endroit confortable où passer l’hiver. Ce qui signifie qu’ils sont à la recherche d’un abri où passer la nuit. Une fois qu’un oiseau a établi son abri, vos chances de le déloger diminuent considérablement.
5. Tirez profit des oiseaux de proie indigènes
L’un des moyens d'effarouchement les plus efficaces que j’ai pu observer sur des fermes laitières consiste à utiliser la nature pour lutter contre les oiseaux déprédateurs. Observez les alentours de votre ferme et notez la présence d’oiseaux de proie qui pourraient vous aider. Les faucons, les aigles et les hiboux sont tous des oiseaux de proie qui peuvent favoriser le contrôle des oiseaux nuisibles. Ces rapaces attaquent ou chassent la plupart de ces espèces d’oiseaux.
Il peut être relativement simple d’attirer des rapaces sur votre ferme. Il suffit d’installer des perchoirs dans les champs ou d’installer des nichoirs adaptés dans des endroits tranquilles autour de la ferme. Cette situation est gagnant-gagnant, puisque les rapaces effarouchent les oiseaux nuisibles en échange d'un habitat propice. Si cette méthode fonctionne bien sur votre ferme, il s’agit également d’une méthode d’effarouchement respectueuse de l'environnement et socialement acceptable.
Les dommages causés par les oiseaux représentent une problématique importante pour de nombreux producteurs laitiers. Mon équipe de recherche est en train de finaliser différentes études qui vous aideront à déterminer la meilleure stratégie d'effarouchement pour votre ferme. Restez à l’affût pour plus d'informations dans un futur rapproché.
Amber Adams Progar est la spécialiste en gestion laitière à l’Université de l'État de Washington.