D’ici 2050, on prévoit que l’augmentation moyenne de la température sera de 2 °C à 4 °C au Québec, du fait des changements climatiques. Ceci entraînera des variations dans le calendrier de culture et les évènements météo.

Vogt barbara
Chargée de projets aux publications et aux communications / Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ)

Pour les cultures fourragères, les effets sur la croissance, le rendement et la survie seront différents selon les espèces. 

Par exemple, la fléole des prés pourra être affectée par les stress thermiques plus nombreux (canicules plus intenses, sécheresses plus longues). Cependant, comme la saison de croissance se trouvera allongée, les rendements pourraient être augmentés si le calendrier des coupes est ajusté. Sinon, on risque d’obtenir une récolte à plus forte teneur en fibres NDF moins digestibles.

De son côté, la luzerne pourrait être favorisée par les conditions plus chaudes en été, et son système racinaire profond sera alors un avantage. Elle offrira sans doute des augmentations de rendement, mais sa survie à l’hiver sera peut-être plus aléatoire du fait des alternances de gel-dégel, des risques de formation de glace au sol et du couvert neigeux moins épais. 

Cependant, afin de s’adapter et faire face aux changements, la production fourragère dispose de plusieurs atouts : l’un d’eux est l’utilisation des mélanges multiespèces (trois espèces ou plus). En effet, les mélanges offrent de nombreux avantages pour faire compétition aux mauvaises herbes, assurer un rendement stable sur plusieurs années et une bonne valeur nutritive.

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De plus, en regroupant plusieurs espèces de graminées, légumineuses et même d’autres plantes (les phorbes, p. ex., chicorée, plantain lancéolé), les mélanges offrent une meilleure performance en cas de perturbation majeure. Par exemple, en cas de sécheresse sur un mélange de deux graminées avec luzerne, le rendement moindre d’une des graminées sera compensé par une meilleure résistance de la seconde graminée et de la luzerne.  

La recherche montre qu’un mélange de trois à six espèces, avec une ou deux légumineuses et deux à quatre graminées, est une option qui offre de nombreux avantages. Pour illustrer ce constat, la Figure 1 résume de nombreux essais et recherches réalisés dans les dernières années. On y voit que, plus les mélanges contiennent d’espèces, moins la production varie, à la fois au cours des saisons et des années successives. De plus, il est clairement démontré que le rendement des mélanges contenant de trois à six espèces souffre beaucoup moins lors des années avec perturbations (sécheresse, gel tardif, etc.) que celui des cultures à une ou deux espèces. Les mélanges offrent donc une meilleure stabilité dans les conditions difficiles. 

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Lors du Symposium sur les bovins laitiers 2022, présenté par la Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ), Jean-Philippe Laroche (Expert en production laitière – nutrition et fourrages chez Lactanet) a souligné qu’on doit tenir compte de plusieurs facteurs afin de bien choisir les espèces du mélange dans son capsule, « Choix d’un mélange fourrager en contexte de changements climatiques ». 

En premier lieu viennent bien sûr les besoins nutritionnels du troupeau : y a-t-il des besoins particuliers à assurer? Ensuite, vous devez tenir compte des caractéristiques techniques au champ (sol, pH, drainage) et de la durée souhaitée de la prairie (3,5 ans ou plus), ainsi que du type de récolte visée (ensilage, foin ou pâturage). 

De plus, la composition des mélanges contiendra des proportions calculées d’espèces à forte ou faible compétitivité; un taux de semis adapté viendra compenser cette compétitivité. Vous combinez aussi des espèces selon leur période de récolte, afin d’obtenir à chaque coupe des mélanges de composition nutritive intéressante. Visez ensuite à associer des plantes utilisant les ressources (eau et nutriments) de façon complémentaire. Par exemple, des espèces à racines profondes (brome des prés, luzerne, etc.) sont à semer avec d’autres à enracinement superficiel (fléole, trèfle blanc, etc.). 

La régie de coupe est un autre atout qui peut être habilement utilisé pour stabiliser les rendements des plantes fourragères – même les années où les aléas météo leur font la vie dure! 

La Figure 2 montre qu’en choisissant avec soin le stade de développement d’une ou plusieurs plantes du mélange, on pourra améliorer le rendement global. Le stade à la coupe jouera aussi un rôle sur la survie de certaines espèces. D’autres décisions favoriseront la régénération des réserves d’énergie de la plante, ainsi que la survie à l’hiver et aux sécheresses estivales. Il est recommandé, par exemple, de maintenir un couvert de 10 centimètres au moins après la paissance, de rehausser la hauteur de coupe, et de respecter une période de repos entre les paissances ou les coupes, ou encore veiller à ne pas faire de coupe tardive à l’automne.


En conclusion, les changements climatiques concernent le secteur agricole, comme tous les autres domaines d’activité, sous trois angles : l’adaptation, la résilience et l’atténuation.

Les mesures d’adaptation et de renforcement de la résilience, telles que décrites précédemment, sont souvent les premières auxquelles on pense. Mais notons que la production fourragère peut aussi participer aux stratégies d’atténuation des changements climatiques. Par exemple, le fait d’augmenter les surfaces en cultures pérennes et d’adopter un mode de gestion améliorée des pâturages, comme mentionné plus haut, peut aussi contribuer à diminuer l’émission des gaz à effet de serre et à séquestrer plus de carbone dans les sols ou les plantes. Du coup, c’est le bilan carbone de votre entreprise qui va être amélioré! 

Pour en savoir plus et pour la nouvelle édition du guide, cliquez ici : Plantes fourragères. Consultez aussi les publications du Réseau Agriclimat, et surveillez l’avancement de l’outil « Boussole fourragère », en préparation par le CQPF. Enfin, retrouvez des articles dans la section Plantes fourragères d’Agri-Réseau. La formation « Des solutions pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions en production fourragère » est disponible en ligne sur la plateforme Asio, via le site de Lactanet. 

Les références ont été omises, mais sont disponibles sur demande.