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Au cours des dernières années, nous avons assisté à une recrudescence des pratiques agricoles durables et des recherches connexes, principalement en raison de l’intérêt accru pour l’amélioration de la santé des sols, le recyclage des nutriments et la séquestration du carbone.
Une grande majorité de ces recherches se sont concentrées sur l’utilisation de cultures de couverture ou de cultures annuelles cultivées principalement pour leurs avantages pour la santé du sol. Ces cultures sont souvent détruites à la fin de la saison et remplacées par des cultures commerciales plus importantes sur le plan économique.
Cependant, les avantages de la luzerne ont été largement négligés, même si nous connaissons depuis de nombreuses années ses vastes bienfaits pour la santé des sols et des écosystèmes.
Qu’il s’agisse de l’amélioration de la structure du sol, la réduction de l’érosion, l’augmentation de la séquestration du carbone dans le sol ou la diminution des besoins en engrais azotés des cultures subséquentes, la luzerne est une culture de grande valeur qui devrait être intégrée dans les rotations culturales pour une multitude de raisons.
L’utilisation accrue de la luzerne contribuera non seulement à atteindre nos objectifs d’amélioration de santé des sols et d’augmentation de la séquestration du carbone, mais aussi à améliorer l’habitat de la faune et la biodiversité, ce qui est essentiel pour améliorer la durabilité agricole globale, tout en fournissant un aliment hautement nutritif pour le bétail.
L’impact de la luzerne sur la durabilité
La durabilité de l’agriculture est devenue un sujet de discussion important pour les gouvernements, les producteurs et l’industrie. Les changements climatiques affectant tout, des températures aux précipitations, il est important de souligner le rôle de l’agriculture dans l’atténuation des changements climatiques. Si l’utilisation de pratiques agricoles durables a toujours servi les intérêts commerciaux des agriculteurs et des éleveurs, nous reconnaissons aujourd’hui que la promotion de ces pratiques contribue également à la réalisation de nos objectifs climatiques.
Les chercheurs, les producteurs, les professionnels de l’industrie et les organisations gouvernementales ont redoublé d’efforts ces dernières années pour définir l’agriculture durable et rechercher les meilleures pratiques de gestion qui peuvent aider à atteindre ces objectifs. De l’amélioration des nombreuses facettes de la santé des sols aux avantages pour les écosystèmes, l’accent a été mis sur les méthodes qui peuvent aider à améliorer la séquestration du carbone tout en améliorant l’habitat global et la fonction des écosystèmes.
La plupart des recherches menées à ce jour se sont concentrées sur les nombreuses espèces différentes qui entrent dans la catégorie des « cultures de couverture », généralement des cultures annuelles cultivées spécifiquement pour leur rôle dans l’amélioration de la santé des sols. Cependant, la luzerne est une culture impressionnante dont la contribution à l’atteinte des objectifs de durabilité est largement passée inaperçue. Cela peut être dû, en grande partie, à l’exclusion erronée des cultures pérennes, comme la luzerne, de la classification traditionnelle des « cultures de couverture ».
Comme le montre le Tableau 1, si beaucoup sont conscients des vastes avantages que procure l’utilisation de cultures de couverture, la luzerne présente de nombreux avantages similaires, si ce n’est plus.
De sa capacité documentée à séquestrer le carbone dans le sol à sa capacité à diminuer le lessivage des nutriments dans les sols adjacents et les bassins versants, la luzerne mérite une plus grande attention pour ses contributions à l’amélioration des pratiques agricoles lorsqu’elle est incluse dans une rotation de cultures.
Séquestration du carbone
L’un des aspects les plus vantés de l’agriculture durable est sans doute la capacité des plantes à augmenter la séquestration du carbone par la photosynthèse. Là encore, l’accent a été mis sur d’autres ressources telles que les forêts de feuillus, les prairies pérennes et même les cultures annuelles, et l’on s’est peu intéressé à la capacité de la luzerne à piéger le carbone.
Les données historiques suggèrent que la luzerne peut séquestrer des quantités importantes de carbone dans le sol — et, mieux encore, séquestrer le carbone plus profondément dans le sol en raison de sa structure racinaire plus profonde que beaucoup d’autres cultures couramment évaluées. En 2005, des chercheurs ont constaté que, par rapport à la culture continue du maïs, la luzerne séquestre 22 % de plus de carbone organique du sol (COS), ce qui concorde avec une étude de 2016 qui a révélé que la luzerne séquestre 26 % de plus de COS que les rotations qui ne comprennent que des cultures annuelles (maïs et soya).
Une recherche menée en 2018 a révélé que lorsqu’on compare la luzerne pérenne aux prairies pérennes, la quantité de COS était plus importante dans la luzerne, même lorsque la biomasse aérienne était récoltée sous forme de foin. La quantité de carbone séquestré a augmenté dans cette étude si la luzerne était irriguée, en corrélation avec la quantité de biomasse aérienne et souterraine produite. La capacité de la luzerne à séquestrer plus de carbone que les autres cultures pérennes est importante à noter et devrait également être un sujet de discussion lors de l’examen des programmes visant à mettre en œuvre une séquestration accrue du carbone.
Tout aussi important que la quantité totale séquestrée, plusieurs de ces études ont évalué où le COS était placé dans les couches du sol. Avec beaucoup d’autres cultures étudiées de près, la majorité du carbone séquestré est stocké dans les 10 premiers centimètres du sol, près de la surface du sol. Cependant, il semble que la luzerne ait la capacité de placer le carbone plus profondément dans le sol, avec des gains constatés entre 30 et 60 centimètres. Il est intéressant de noter que, dans cette même étude, la rotation maïs-soya a entraîné des pertes de COS dans ces couches plus profondes.
Alors que les marchés du carbone commencent à s’établir, il est essentiel de mettre l’accent sur l’importance de l’utilisation de la luzerne dans les rotations culturales. Il faut mettre davantage l’accent sur l’utilisation de la luzerne par ces plateformes de marché du carbone si l’objectif est de maximiser le potentiel de séquestration du carbone. Grâce à sa meilleure capacité de séquestration du carbone par rapport à de nombreuses autres cultures, les producteurs ont plus de chances d’en tirer un avantage financier s’ils choisissent de participer aux marchés du carbone en intégrant la luzerne à leur exploitation.
Conclusion
Lorsqu’on cherche à maximiser l’impact de l’agriculture sur l’amélioration du captage du carbone, il est essentiel de souligner le rôle important de la luzerne.
Non seulement la luzerne peut augmenter de manière significative la séquestration du carbone, mais elle peut également avoir de nombreux autres effets bénéfiques sur nos écosystèmes. La capacité de réduire la dépendance aux engrais azotés peut contribuer de manière significative à la production agricole en réduisant les coûts des intrants, ainsi que les émissions. Il s’agit également d’une culture importante pour améliorer la résilience des sols dans un climat changeant, ce qui peut contribuer à maximiser la production par acre.
Enfin, elle présente de nombreux avantages pour la faune, les pollinisateurs et les organismes vivant dans le sol, qui jouent tous un rôle essentiel dans un écosystème sain. Il est important de mettre davantage l’accent sur l’utilisation des nombreux avantages de la luzerne au niveau des producteurs et éventuellement dans les programmes de durabilité financés.
Emily Meccage est la spécialiste principale du soutien technique chez Forage Genetics International.