Une multitude de recherches et de découvertes peuvent avoir un impact sur votre exploitation. Pour vous aider à vous y retrouver, voici les conclusions de trois projets de recherche présentés lors du dernier Symposium sur les bovins laitiers, organisé par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ), qui s’est tenu le 8 novembre dernier :

Ohirko emma
Former Editor / Progressive Dairy

1. Un nouvel outil génétique pour réduire le méthane

Présenté par Francesca Malchiodi, directrice de la génomique et de l’analyse chez Semex et chercheuse associée avec l’Université de Guelph, ce projet présente les découvertes et les résultats des évaluations génétiques de l’Efficience du méthane par Alliance Semex et Lactanet en avril 2023.

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Francesca Malchiodi

La poursuite de la durabilité aborde une multitude d’objectifs, y compris la nécessité de réduire les émissions de méthane. Pour l’industrie laitière, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre offre la possibilité de tenir compte des préférences changeantes des consommateurs. Parmi ceux-ci : l’essor et l’abondance des produits laitiers à base de plantes. 

« En réalité, c’est une excellente occasion pour l’industrie laitière de commencer à rivaliser dans cette narration, car le secteur laitier peut réellement contribuer à la réduction des émissions », a déclaré Francesca Malchiodi. 

Les émissions de méthane liées à la gestion du bétail comptent pour près de la moitié des émissions générées par chaque kilogramme de lait produit au Canada. Malchiodi et ses collègues ont donc décidé de mener un projet qui vise à réduire ces émissions. Le méthane produit par les vaches laitières est majoritairement généré lors de la rumination, où 90 % est excrété par la respiration. Grâce aux évaluations génétiques, nous comprenons maintenant que la composition génétique d’une vache influence le volume de méthane qu’elle produit.

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En fait, la génétique de la vache et la composition de son microbiome ruminal expliquent 31 % à 34 % de la variation totale du méthane produit, expliquait Malchiodi. « Ces résultats montrent qu’il y existe une bonne occasion d’agir avec une stratégie d’élevage lorsqu’il s’agit de trouver des moyens de réduire le méthane, a expliqué Malchiodi. Et lorsque nous parlons d’élevage, avec tout ce que cela implique, nous verrons un changement au fil du temps qui est généralement actif et permanent. » 

L’expérience a commencé par mesurer la quantité de méthane émis quotidiennement en grammes pour un échantillon relativement petit de 500 vaches, à l’aide de dispositifs GreenFeed. Comme la taille de cet échantillon n’était pas suffisante pour une étude génétique, Malchiodi et son équipe ont changé de méthode afin d’élargir l’échantillon. Heureusement, l’industrie laitière canadienne dispose de ressources solides qui comprennent des données sur plus de 1,6 million de vaches à partir d’échantillons de spectroscopie du lait en infrarouge moyen (MIR). Malchiodi et son équipe ont donc examiné ces échantillons pour prédire les émissions de méthane. 

Les résultats ont démontré l’efficacité de cette méthode pour servir de prédicteur de la production de méthane, avec une corrélation génétique de 92 % entre le méthane capturé et le méthane prédit par MIR. De plus, le méthane prédit avait une mobilité de 23 % et la fiabilité de l’évaluation génomique d’environ 70 %. Toutefois, les chercheurs ont aussi découvert qu’il y avait une corrélation génétique défavorable avec la production de gras, c’est-à-dire que les vaches qui produisent plus de gras ont tendance à produire plus de méthane. Pour tempérer ces effets, « l’Efficience du méthane » a été introduite. Ce caractère fonctionnel est défini comme « la production de méthane génétiquement indépendante des rendements en lait, en gras et en protéines ». Ce caractère n’a pas de corrélation négative avec le gras et n’impacte pas le niveau de production. « Cela ressemble beaucoup à ce que vous pouvez voir pour l’évaluation de l’efficacité alimentaire », notait Malchiodi. 

La suite de cet affinement supplémentaire démontre que ce caractère peut maintenant être inclus dans les objectifs d’élevage sans impact négatif sur d’autres caractères souhaitables avec des réductions marquantes de la production de méthane, telles que :

  • Une augmentation de 5 points de la Valeur d’élevage relative pour l’efficacité méthane.
  • Une diminution de 3 kilogrammes de méthane produit dans les filles de ces taureaux (par lactation).
    •  Ensemble, ceci crée une diminution de 1,5 % des émissions de méthane par vache par an. 

Le Canada est maintenant le premier pays à publier une évaluation génétique du méthane dans la race Holstein. 

Actuellement, les prédictions MIR concernent les Holstein de première lactation entre 120 et 185 jours en lactation. Malchiodi vise maintenant à les améliorer et à étendre leur portée. Pour ce faire, Malchiodi et son équipe mènent de nouvelles études au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique, dans les troupeaux Jersey et Ayrshire. Ceci permettra d’agréger des observations issues d’une bonne variété de systèmes de gestion et de nutrition. 

2. Comparaison entre des vaches issues de la fécondation in vitro et d’autres de l’insémination artificielle : impact sur les critères de fertilité, de santé et de productivité

Présentée par Marc-André Sirard, vétérinaire et professeur titulaire à l’Université Laval, cette conférence a abordé plusieurs approches et résultats novateurs liés à l’utilisation de la fécondation in vitro (FIV) dans le contexte de l’élevage laitier au Québec. 

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Marc-André Sirard

L’utilisation croissante de la FIV chez les vaches laitières soulève des questions concernant les conséquences d’une utilisation prolongée. Afin de mieux comprendre comment cette pratique pourrait influencer d’autres métriques, Dr Marc-André Sirard et son équipe ont entrepris un projet visant à combler les lacunes dans nos connaissances sur les impacts de la FIV sur de vastes populations de vaches laitières. 

Une vaste base de données phénotypiques québécoise, établie grâce aux enregistrements de lait de 2,5 millions de vaches au cours de 4,5 millions de lactations, a été utilisée pour comparer la FIV aux transferts des embryons et à l’insémination artificielle. 

À l’aide d’un design « simple », Sirard et son équipe ont regardé les données phénotypiques des filles de ces vaches, en particulier les données liées à la production laitière et la santé. 

En examinant les résultats, Sirard et ses collègues ont constaté que les animaux issus de l’insémination artificielle présentaient une croissance plus rapide, bien que leur point de départ soit plus bas. En revanche, les animaux résultant de la FIV avaient une valeur génétique encore plus élevée, mais le gain était moins rapide. De plus, en termes de production des animaux provenant de la FIV, il y avait « une petite perte » au niveau de la production de lait corrigé pour l’énergie au cours des trois premières lactations. 

De même, l’analyse des résultats avec l’index de fertilité montre un impact sur la fertilité. Sirard et son équipe ont observé un effet de presque zéro pour les vaches inséminées, une perte de fertilité d’environ un point pour celles issues de transferts d’embryon et une baisse encore plus marquée chez les filles issues de la FIV. « Il semble que nos technologies de reproduction laissent une petite signature, une trace sur l’animal généré, qui va faire en sorte que la fertilité sera un peu moins bonne que celle de ses contemporaines », explique-t-il.

Cela entraîne également des coûts économiques. Les animaux conçus par FIV présentent un délai, en moyenne, de trois à quatre jours pour la gestation, et sont donc plus susceptibles de nécessiter un cycle de plus pour devenir gestants. 

« En conclusion », expliquait Sirard, « les animaux conçus in vitro produisent plus de lait, mais il reste une perte qu’on appelle épigénétique, parce qu’elle est causée par l’environnement et non pas par les gènes qui restent présents. Le progrès génétique est aussi plus lent dans la population à cause de la limite de la sélection. Donc, plus on a des animaux avancés, moins le progrès est rapide, parce qu’ils sont seuls en avant de la parade. »

3. Avancées dans notre compréhension des effets des suppléments lipidiques dans la ration

Rachel Gervais est professeure titulaire dans le département des sciences animales à l’Université Laval. Elle a partagé les détails et les résultats préliminaires de son projet de recherche sur la composition du lait, l’impact des suppléments lipidiques sur la production laitière, la fréquence de traite et les transformations subies pour la fabrication du fromage et du beurre. 

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Rachel Gervais

Lorsqu’ils se rendent au supermarché, les consommateurs s’attendent à un lait ayant des propriétés spécifiques et uniformes. Pour répondre à ces attentes, Rachel Gervais et son équipe d’expérience ont élaboré un projet visant à déterminer l’impact des suppléments lipidiques commerciaux ajoutés à la ration des vaches laitières, en se concentrant spécifiquement sur la composition et les propriétés technologiques du lait. 

Une des innovations majeures du projet réside dans la recherche d’interactions entre les suppléments lipidiques et d’autres pratiques, telles que la fréquence de traite, ainsi que l’étude de leurs effets sur la fabrication du beurre et du fromage. Cette approche holistique vise à fournir des informations cruciales pour les producteurs laitiers et les transformateurs.

Les premières observations du projet, selon Gervais, démontrent des effets significatifs des suppléments lipidiques sur la production laitière, avec une augmentation notable de la quantité de lait livrée par jour. De plus, l’analyse des propriétés technologiques du lait révèle des améliorations de l’efficacité alimentaire avec ces suppléments. 

Huit vaches ont été utilisées pour l’étude. La moitié recevait un supplément lipidique, tandis que l’autre moitié recevait un supplément d’environ 2 % de la matière sèche ingérée. Les résultats étaient les suivants : « le supplément d’acide palmitique a fait augmenter de 4 % la production laitière et le supplément de gras au lait a engendré une augmentation de 7 %. Si on combine ces deux effets, on constate une hausse de 11 % de la quantité de lait livré par jour », partageait Gervais. De plus, les protéines en kilogramme par jour ont augmenté de 5 %. 

Cependant, il y a eu une augmentation de 18 % des acides de gras « d’origine mixte ». 

En ce qui concerne la fréquence de traite, l’étude a constaté que les effets de suppléments lipidiques dans la ration sont en fait indépendants. Traire les vaches trois fois par jour, au lieu de deux fois, a entraîné une augmentation de la production de lait, mais une diminution de taux butyreux de lait. 

Toutefois, au niveau de la coagulation, de l’égouttage et de l’affinage, il y eu des changements au profil des acides gras pendant la transformation. « La teneur en acide gras libre de nos fromages tout au long de l’affinage, c’est en fait un effet de la fréquence de traite qui augmentait les acides gras libres ; ça restait et ça demeurait tout au long de l’affinage », elle disait. Pourtant, la tartinabilité a été affectée dans les expériences où le profil en acides gras du lait a été changé. Avec cette augmentation de la teneur en acides gras, il y eu une augmentation de la dureté de beurre produit de ce lait. 

Gervais et ses collègues espèrent utiliser ces données et découvertes pour contribuer au développement d’un outil commercial capable d’analyser les propriétés technologiques du lait.