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Ohirko emma
Former Editor / Progressive Dairy

Le 15 mai dernier, lors de sa présentation au Colloque de nutrition animale du Canada, Mike von Massow, professeur agrégé à l’Université de Guelph, a affirmé : « Dans l’ensemble, les consommateurs expriment de la satisfaction à l’égard des éleveurs, mais ils n’ont tout simplement aucune idée de ce que ceux-ci font au quotidien. À mon avis, cette méconnaissance pose problème, à savoir celui d’une vision idéalisée de l’agriculture canadienne susceptible de causer de grandes désillusions chez les consommateurs. Cela se produit quand ces derniers finissent par en apprendre davantage au sujet de certaines pratiques de production et constatent qu’elles ne correspondent pas à cette vision. »

Pour atténuer cette désillusion, le professeur von Massow a fait valoir qu’au lieu de se concentrer sur le renforcement de la confiance des consommateurs, l’accent devrait être mis sur l’éducation des consommateurs quant aux pratiques de production agricole. « Nous devons jeter les bases de cette confiance en favorisant une meilleure compréhension de la façon dont les aliments sont produits », a-t-il expliqué.

La réalité des perceptions des consommateurs

Si gagner la confiance n’est pas le problème, comme l’a indiqué von Massow, il est utile de comprendre ce que les consommateurs savent de l’élevage laitier et comment cela pourrait avoir un impact sur leurs demandes ou sur leurs réponses face aux nouvelles qui traitent des pratiques et des normes agricoles.

Citant des enquêtes qu’il a menées auprès des consommateurs, le professeur de l’Université de Guelph a partagé des résultats surprenants :

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  • Lorsqu’on leur a demandé s’il était vrai ou faux que les vaches laitières ne donnent du lait qu’après le vêlage, environ 40 % des personnes interrogées ont répondu « faux » et 30 % ont dit qu’elles n’étaient pas certaines de la réponse.
  • En comparant les résultats en réponse à la même question concernant le bien-être des animaux d’élevage posée aux consommateurs en 2015 et à nouveau en 2022, on a constaté une amélioration des perceptions du bien-être des animaux dans les fermes canadiennes. Les deux enquêtes ont montré que la plupart des répondants avaient une perception positive du bien-être des animaux d’élevage.
  • Les perceptions des consommateurs concernant la gestion des antibiotiques étaient généralement moins positives, ce que von Massow a attribué à la connotation négative de certains mots comme « antibiotiques » et « enclos ». Par exemple, lorsqu’on leur a demandé s’ils percevaient que les antibiotiques étaient bons ou mauvais pour le bien-être animal, la plupart des personnes interrogées ont indiqué que les antibiotiques étaient mauvais.

L’impact des médias sociaux

Les lacunes évidentes dans les connaissances des consommateurs sur la gestion quotidienne des fermes font en sorte que ceux-ci sont plus susceptibles d’être influencés par un exemple isolé de pratique agricole. « Ils sont sensibles aux surprises et au battage médiatique sur les réseaux sociaux », a prévenu le professeur.

Des exemples comme une vidéo TikTok devenue virale au début de 2023 d’un producteur laitier canadien jetant du lait ou le « Buttergate » de 2021 prouvent que, sans contexte ni compréhension fondamentale de l’agriculture, il est facile pour de nombreux utilisateurs des médias sociaux de se laisser entraîner dans l’interprétation qu’un seul exemple constitue la norme.

Dans le cas de la vidéo virale d’un déversement de lait, le producteur – on l’a découvert plus tard – produisait régulièrement au-delà de son quota, ce qui a mis au jour un problème plus important lié à la gestion de la production dans sa ferme plutôt qu’à une pratique fréquente dans l’industrie. « Ça ne prend pas grand-chose pour que se propage la désinformation », a noté von Massow.

Qu’en est-il sur le marché?

L’influence des médias sociaux et du marketing change la façon dont les consommateurs perçoivent les produits tout comme leurs décisions d’achat. Le marché, dans une certaine mesure, répond à ces influences par la différenciation. Cela signifie qu’il existe des différences plus importantes et plus visibles d’un producteur à l’autre. Pensez à la manière dont le lait de consommation est commercialisé et étiqueté comme étant microfiltré ou provenant de vaches nourries à l’herbe, élevées en pâturage, etc.

Les chaînes de valeur ont également changé. Par exemple, von Massow a souligné la montée de chaînes de valeur bien ancrées. Celles-ci sont solidement enracinées en raison des diverses façons dont dispose une marque ou un producteur pour différencier son produit, favorisant la fidélité des consommateurs et minimisant la volatilité de la demande. « Nous constatons de plus en plus que nous avons des attributs spécifiques provenant de producteurs spécifiques », a-t-il noté.

L’avenir s’annonce bien!

Tout en affirmant que les protéines végétales ne sont pas nouvelles, Mike von Massow souligne qu’un nombre surprenant des consommateurs interrogés mangent entre quatre et cinq repas par semaine sans source de protéines animales. « Ce sont à ces personnes-là que nous devons penser », a-t-il conseillé.

L’agriculture cellulaire – également connue sous le nom d’aliments cultivés en laboratoire – la fermentation de précision et l’édition génomique mènent au développement de nouveaux produits alimentaires, lesquels bénéficient de l’approbation des consommateurs à divers degrés.

« Tout cela est à nos portes et il s’agit là d’une formidable occasion de donner aux consommateurs ce qu’ils veulent », a expliqué von Massow, décrivant en détail le potentiel de bénéfices pour l’avenir en matière de bien-être animal et de produits alimentaires plus savoureux grâce à l’édition génomique et aux technologies émergentes.

Disposant de plus de choix et d’informations, les consommateurs doivent s’y retrouver dans une sélection toujours croissante de produits alimentaires et d’arguments de mise en marché. C’est là que l’universitaire voit une occasion en or pour les éleveurs canadiens de se faire valoir et de promouvoir leurs produits. « L’agriculture canadienne a une bonne histoire à raconter, a-t-il soutenu. Nous avons simplement eu peur de le faire! »

Conscient du défi inhérent au fait de raconter les histoires des producteurs, le professeur von Massow a suggéré deux solutions pour accroître les connaissances sur le système agricole :

  • Réintroduire les compétences culinaires dans le programme scolaire
  • Augmenter les campagnes d’information des groupes de producteurs, notamment des organisations et des coopératives

« Si nous n’engageons pas cette conversation, elle se déroulera sans nous et nous n’aurons pas la possibilité de la façonner », a-t-il conclu.

Emma Ohirko est une ancienne rédactrice de Progressive Dairy.