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En tant que producteur laitier au Canada, votre quota n’est pas seulement un actif, c’est l’épine dorsale de votre entreprise. Il assure la régularité de vos ventes, la stabilité des prix et constitue l’un des rares actifs capables de générer directement de nouveaux flux de trésorerie. Cependant, l’acquisition de quotas peut s’avérer difficile. Les prix élevés et la disponibilité limitée sont souvent des obstacles.
En Ontario et au Québec, Dairy Farmers of Ontario (DFO) et les Producteurs de lait du Québec (PLQ) émettent périodiquement des journées additionnelles, une occasion unique pour les producteurs de produire plus. Ces journées « à prendre ou à laisser » permettent à l’office de mise en marché de répondre à des augmentations de la demande à court terme tout en évitant des conséquences à plus long terme. Les producteurs entretiennent une relation complexe avec ces journées additionnelles. Ils apprécient la possibilité d’augmenter leurs revenus, mais décrient le fait qu’elles sont parfois annoncées soudainement. Certains se plaignent de ne pas pouvoir simplement « ouvrir le robinet à lait », mais le jeu en vaut-il même la chandelle?
Vous avez peut-être déjà entendu un voisin raconter l’histoire suivante : « L’automne dernier, j’ai essayé de produire trois journées additionnelles par mois en retardant les réformes et les tarissements. À la fin de cette période, j’ai vendu 10 % de mes vaches et j’en ai fait tarir plusieurs. Malgré cela, la quantité de lait dans le réservoir n’a pas baissé. » Cette anecdote soulève une question importante : dans quelle mesure devrions-nous essayer de produire les jours additionnels? Voyons les choses en détail.
L’augmentation des revenus est une bonne chose. Mais il ne s’agit pas seulement de la quantité d’argent que vous gagnez, il s’agit aussi de la quantité d’argent qui reste dans vos poches. Comparez vos revenus à une tarte, où votre pointe représente le bénéfice que vous gardez une fois que toutes les factures sont payées. Il existe différentes stratégies pour produire les journées additionnelles de quota. Voyons donc comment elles influencent la taille de votre tarte et de votre pointe.
Si vous disposez de trois journées additionnelles dans un mois, vous pouvez vendre environ 10 % de plus (trois jours sur 30) et augmenter votre revenu de 10 %. Combien vous coûterait la production de ce lait?
Supposons que vous n’augmenterez pas le nombre de stalles pour une croissance à court terme. La plupart de vos coûts seraient variables – plus d’aliments nécessaires pour produire plus de lait par vache ou pour nourrir un plus grand nombre de vaches. Nous pouvons répartir ces dépenses dans différentes colonnes de votre état des résultats pour vous aider à comprendre où concentrer les améliorations. Les dépenses qui nous intéressent ici (c.-à-d. les aliments, la litière, la reproduction, les soins vétérinaires) représentent le coût des produits vendus (CPV). Faisons un calcul rapide. Si vous pouviez augmenter vos revenus de 10 % et vos coûts de 5 %, votre tarte serait plus grande, tout comme la pointe qui vous reste. Alors, de combien vos coûts augmentent-ils lorsque vous produisez des journées additionnelles? Cela dépend de la manière dont vous abordez la question.
Voici quelques scénarios basés sur des situations réelles. Ils ne sont pas parfaits ni définitifs, mais j’espère qu’ils vous aideront à réfléchir aux concepts de revenus et de coûts de production.
Hypothèse de départ :
- 100 kilogrammes de quota
- La production actuelle est de 36 kg de lait, 4,2 % de matière grasse, 3,3 % de protéines, 5,95 % d’autres solides.
- Le coût de l’alimentation est de 0,36 $ par kilogramme de MS.
- 150 jours de lactation (JEL)
En janvier, l’entreprise compte 66 vaches en lactation et les PLQ annoncent trois jours additionnels pour les six derniers mois de l’année. Les cinq voisins suivants ont chacun choisi une stratégie différente face à cette nouvelle.
- Jean le Constant : Jean décide de ne pas produire les jours additionnels. Ses chiffres serviront de base de comparaison.
- Pierre l’Excédentaire : Pierre craint toujours de ne pas pouvoir produire les journées additionnelles. Il essaie donc « de ne pas pousser » ses vaches pendant la majeure partie de l’année afin de pouvoir augmenter sa production à l’automne. Cela signifie qu’il doit garder quelques vaches de plus (73 en lactation) et qu’il doit jeter une partie de sa production au printemps.
- Claire la Laitière : Claire retarde les tarissements, les réformes et les vêlages pour quelques vaches. Elle surcharge son étable et augmente le nombre de JEL de 150 à 180.
- Théo les Veaux : Théo prévoit de faire vêler sept vaches supplémentaires à l’avance. Il prévoit de réformer les vaches en surplus en janvier, lorsque la période des journées additionnelles sera terminée.
- Josée l’Équilibrée : Josée prévoit de faire vêler quatre vaches de plus au cours de l’automne et de compléter sa ration avec 200 grammes de suppléments dérivés de l’huile de palme.
Tout d’abord, examinons les similitudes entre les scénarios 2 à 5. Ces exploitations ont toutes produit les journées additionnelles, ce qui leur a permis de faire grossir leur tarte. Pierre l’Excédentaire a gonflé sa production au printemps afin d’avoir des vaches de plus pour l’automne, mais cela a augmenté ses coûts et diminue donc sa pointe de tarte. Traire plus de vaches à l’automne entraîne des coûts pour nourrir et soigner ces animaux, mais au moins il y a une augmentation des revenus pour aider à compenser ces coûts. Le déversement de la production excédentaire réduit la marge brute (la part que vous conservez). Dans ce cas-ci, il restait à Pierre une portion plus importante qu’à Jean, mais y a-t-il une meilleure façon de procéder?
Le scénario de Claire la Laitière est basé sur l’anecdote présentée en début d’article. Traire plus de vaches et augmenter les jours en lactation peut aider à produire des journées additionnelles, mais là encore, cela réduit les marges. Alors, comment grossir la tarte sans nuire aux marges?
Théo et Josée ont tous deux parié sur le fait qu’ils auraient besoin de plus de lait à l’automne et ont adapté leur stratégie de reproduction pour augmenter les vêlages. Josée utilise un supplément alimentaire dont la dose peut être ajustée lorsque des journées additionnelles sont annoncées. Ces deux scénarios permettent de maintenir (ou d’augmenter) les marges.
Aucun de ces scénarios n’est parfait, et les différences en ce qui concerne les dollars supplémentaires générés peuvent sembler minimes. Néanmoins, les concepts de revenus et de marges peuvent vous aider à prendre votre décision. Il est important de noter que l’un des moyens les plus rapides de réduire votre marge brute est de produire trop de lait. Dans notre exemple, le fait d’avoir à jeter du lait coûte 13 718 $ pour six mois à Pierre.
Nous avons utilisé un exemple très optimiste avec trois journées additionnelles par mois pour une période de six mois. Si vous avez tendance à surproduire, faites cet exercice simple : combien de jours (ou de kilogrammes) jetez-vous par année? Comparez maintenant ce chiffre avec le nombre de jours additionnels que vous pourriez produire. Où vous situez-vous?
En conclusion, il est toujours essentiel de produire son quota de base. Il s’agit de votre tarte. Produire les jours de quota additionnels augmentera vos revenus, mais tous les plans de production à court terme ne sont pas égaux. L’analyse de l’évolution de vos dépenses selon les différents scénarios peut vous aider à augmenter la grosseur de votre tarte et à gérer vos dépenses de manière à maximiser la taille de votre portion.
Chris Church, DMV, MBA accompagne les producteurs en matière de production et de rentabilité par l’entremise de son entreprise, Central Dairy Solutions.