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« Aujourd’hui, nous avons le tiers du nombre de vaches que nous avions en 1960, et nous produisons plus de lait », a déclaré Dre Christine Baes, de l’Université de Guelph, lors de sa présentation principale à la réunion annuelle du Dairy Cattle Reproduction Council. « C’est une assez bonne histoire de durabilité, mais lorsque vous tapez “durabilité et vaches laitières” sur Google, vous voyez des titres sur les flatulences des vaches. Comment cela se fait-il? »
Lors de la réunion tenue à Arlington, au Texas, Baes a donné un aperçu du Resilient Dairy Genome Project (RDGP), un effort mené par elle-même, Dr Ronaldo Cerri de l’Université de la Colombie-Britannique, Dr Marc-André Sirard de l'Université Laval et Dr Paul Stothard de l’Université de l’Alberta, pour améliorer la durabilité de l’industrie laitière canadienne grâce aux progrès de la génomique. Ce projet a été stimulé par l’engagement de l’industrie laitière à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 et est financé par Génome Canada. Plus de 30 collaborateurs et 35 organisations partenaires internationales y participent.
« L’objectif de cette collaboration internationale est de permettre aux pays de tirer profit de ce que les autres font d’une manière différente », a déclaré Baes. « Si vous vous concentrez sur l'efficience alimentaire animale, vous pouvez bénéficier des données d’autres pays sur les émissions de méthane. »
Ce projet est similaire au travail de Stothard sur le projet Efficient Dairy Genome, qui a recueilli des phénotypes et des informations sur l’efficacité alimentaire et les émissions de méthane.
« Le RDGP poursuit ce travail, mais nous avons élargi le champ d’application pour inclure les caractéristiques de fertilité et de santé », a déclaré Baes. « Au cœur de ce projet se trouve la résilience. Nous avons défini la résilience comme un animal capable de s’adapter rapidement à des conditions changeantes sans compromettre sa productivité, sa santé ou sa fertilité, tout en devenant plus économe en ressources et en réduisant son impact sur l’environnement. »
Pour parvenir à la résilience grâce à la génomique, l’équipe a défini huit « activités de recherche » et mène activement des recherches dans chaque domaine.
1. Une fertilité plus proche de la biologie
« L’idée est de développer des phénotypes standardisés basés sur des capteurs automatiques pour étudier les facteurs physiologiques affectant l’expression de l’œstrus et la survie de l’embryon, pour trouver des marqueurs génomiques de l’expression de l’œstrus et de la fertilité, et pour étudier de nouveaux phénotypes de fertilité plus proches de la biologie et même de la morphologie de la vache », a déclaré Baes. Elle a expliqué que l’examen des jours ouverts, des jours entre le vêlage et la première saillie, de la facilité de vêlage, etc., ne correspond pas toujours à ce que la biologie de la vache essaie de dire.
Si l’automatisation et les données peuvent aider à collecter des caractéristiques de fertilité « très proches de la biologie » et à les incorporer dans une évaluation génétique, cela réduira les variations causées par les différentes pratiques de gestion et profitera à la fois aux vaches et aux producteurs.
2. Résistance accrue aux maladies
Les recherches ont montré que la sensibilité des bovins aux maladies respiratoires ou à la diarrhée varie.
« Si l’on pense à la pression d’infection dans un parc à veaux, il faut en tenir compte lorsqu’on essaie de comprendre pourquoi les animaux tombent malades », a déclaré Baes. « Si un animal est malade immédiatement, ce veau peut être moins ou plus sensible que celui qui tombe malade six à huit semaines après avoir été exposé à la même quantité ou à une quantité plus importante de l’agent pathogène. » Elle souligne que ces travaux en sont encore au stade préliminaire, mais qu’ils sont très intéressants pour l’industrie.
3. Efficacité alimentaire et réduction du méthane
Cet aspect du projet s’appuie sur les travaux antérieurs de Stothard, mais élargit la population de référence pour les études sur l’efficacité alimentaire et la réduction du méthane.
« Nous commençons également à nous intéresser à l’efficacité alimentaire des veaux », a déclaré Baes. « Il est très intéressant d’observer les transitions entre l’ingestion de lait et l’alimentation solide. Nous cherchons à savoir s’il existe un lien entre l’efficacité alimentaire au début de la vie et plus tard dans la vie. » Les mesures de l’efficacité alimentaire en début de vie faciliteront les décisions de sélection.
4. Relations génomiques et environnementales
L’identification des variantes au sein du génome est au centre de cette section du projet. « Il pourrait y avoir des types de variations dans le génome qui pourraient être associés à des tendances phénotypiques intéressantes », a déclaré Baes. Des études sont en cours pour observer les effets du stress thermique sur des caractéristiques importantes, dans plusieurs zones écologiques différentes.
5. Effets multigénérationnels et épigénétique
« Nous cherchons ici à quantifier l’effet de l’environnement précoce sur la résilience des filles », explique Baes. Le suivi des génisses du fœtus à l’âge adulte permettra de mettre en évidence d’éventuels marqueurs épigénétiques en corrélation avec la résilience.
6. Gestion des données
« Nous avons créé une base de données de variantes structurelles avec tous les résultats de recherche de ce projet », a déclaré Baes. Elle se présente sous la forme d’un navigateur qui permet aux utilisateurs de consulter tous les résultats liés à un chromosome spécifique.
7. Composante GE3LS : Recherche sur les aspects éthiques, environnementaux, économiques, juridiques et sociaux de la génomique
« Cet aspect social étudie l’acceptation par le public de l’industrie laitière selon différentes stratégies de reproduction », a déclaré Baes. « Plusieurs sondages sont réalisés, où la question suivante est posée : “Si la sélection était utilisée pour résoudre les impacts environnementaux de l’industrie laitière au Canada, seriez-vous satisfait(e)?” C’est une question intéressante. » Baes a fait remarquer que ce type de questions et les réponses qu’elles révèlent aident les chercheurs à comprendre comment le grand public perçoit l’industrie laitière.
8. Mise en place des initiatives
La mise en pratique des résultats de ce projet est peut-être l’aspect le plus important, car elle permet aux producteurs laitiers de mettre en œuvre les connaissances scientifiques dans les exploitations et d’atteindre l’objectif du secteur en matière de réduction des émissions.
« Si l’on considère le passage de la recherche à la mise en œuvre, il y a beaucoup de choses à faire », a déclaré Baes. « Nous commençons par le traitement des données sur la spectroscopie dans l’infrarouge moyen du lait. »
La spectroscopie dans l’infrarouge moyen (MIR) est un processus dans lequel des échantillons de lait sont analysés en faisant passer un faisceau de lumière à travers le lait et en mesurant les longueurs d’onde produites.
« Chaque section de ces longueurs d’onde est associée à différentes propriétés phénotypiques du lait », explique Baes. « Cette technologie permet de prédire la quantité de méthane produite par l’animal à partir d’un échantillon de lait. »
Changer les manchettes
Des travaux additionnels sont en cours pour s’assurer que la sélection de vaches efficaces en matière de méthane n’aura pas d’impact négatif sur d’autres aspects de la production. Baes a fait remarquer que la sélection de l’efficacité alimentaire n’améliore pas nécessairement l’efficacité du méthane. Les prévisions actuelles montrent que les troupeaux sélectionnés pour leur efficacité en matière de méthane verront une réduction du méthane de 20 % à 30 % d’ici à 2050. Baes a également présenté un bref résumé du projet « Dairy ZERO Genome », qui inclura des animaux de boucherie ainsi que des vaches laitières. L’objectif de cette étude est de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 sans affecter la production.
« Les résultats de cette recherche (RDGP) façonnent l’avenir de l’industrie au Canada », a déclaré Baes. « Je pense que c’est tout à fait passionnant. C’est le travail d’équipe qui permet de réaliser le rêve, et, sans lui, nous n’irons nulle part. Nous avons fait les manchettes — nous commençons à changer les choses. »