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L’agriculture comme mode de vie peut apporter son lot de difficultés. Une ferme doit générer du profit si elle veut survivre. On entend souvent ce type d’affirmations dans les balados consacrés à l’agriculture, et elles peuvent contenir une part de vérité. Faut-il donc passer d’un travail « dans » l’entreprise à un travail « sur » l’entreprise?
Au début de ma carrière, je n’avais qu’un seul objectif : améliorer la santé des vaches. Je n’avais pas vraiment de formation en finances ou en gestion de personnel, et je n’y portais pas beaucoup d’attention. Je voulais simplement améliorer mes compétences pour donner les meilleurs soins possibles aux animaux. On observe ce phénomène avec de nombreux métiers – électriciens, boulangers, vétérinaires et producteurs laitiers.
Nous avons choisi notre carrière parce que nous sommes passionnés par ses aspects techniques. Et parfois, nous nous retrouvons assez rapidement à la tête de notre propre entreprise de services techniques. Mais il se peut que nous ne soyons pas très doués pour gérer cette entreprise. Dans le livre E-Myth, l’auteur Michael Gerber souligne qu’il peut sembler facile de devenir son propre patron, mais que dans les faits, la gestion d’une entreprise prospère exige des compétences plus poussées que celles qui nous ont permis de devenir de bons techniciens. La gestion des finances et du personnel nécessite du temps, de nouvelles compétences et l’intérêt de le faire correctement.
Aujourd’hui, les entreprises laitières canadiennes comptent en moyenne 100 vaches. Quel serait le prix de vente d’une ferme de cette taille dans votre région? De nombreuses entreprises de cette ampleur disposent d’une équipe de gestionnaires pour les diriger : une personne pour les finances, une autre pour les ressources humaines et les opérations, et un directeur général (DG) qui supervise l’ensemble des opérations. Par défaut, vous êtes le DG de votre entreprise, mais vous sentez-vous prêt à assumer cette tâche? Qu’en est-il des autres fonctions? Portez-vous également ces chapeaux?
Résultats de la recherche au Canada
Dans le cadre de mon projet de maîtrise, nous avons étudié trois questions essentielles concernant les aspects financiers des entreprises laitières canadiennes. J’aborderai la première question dans le présent article et les autres dans les futurs numéros de Progressive Dairy.
Peut-être avez-vous deviné la première question en vous basant sur les premiers paragraphes. Les producteurs laitiers canadiens sont avancés sur le plan technique, mais leurs connaissances financières sont-elles au même niveau?
Nous avons commencé à tester les connaissances des producteurs en matière de production et de finances à l’aide de sondages informels. Ces sondages ont été menés en Ontario dans le cadre de réunions de producteurs en personne (voir Tableau 1). Les participants se rapprochaient du producteur moyen en ce qui concerne l’âge et la taille de l’exploitation.
Sans surprise, la plupart des répondants connaissaient leur production quotidienne de lait par vache et leur taux de gestation à 21 jours (connaissances en matière de reproduction). Lorsque nous les avons interrogés sur les aspects financiers, peu d’entre eux connaissaient le coût d’élevage des animaux de remplacement ou des fourrages, et encore moins avaient entendu parler du « ratio des charges d’exploitation ».
Une étude réalisée par Gestion agricole du Canada a révélé que les exploitants disposant d’un plan d’affaires écrit présentaient un taux de rendement de l’actif supérieur de 525 % à celui de leurs pairs. Nous avons donc également demandé aux participants s’ils avaient des objectifs écrits. Personne n’en avait (0 %).
Les sondages informels n’étant pas toujours exacts, nous avons poursuivi nos efforts en réalisant un sondage électronique anonyme distribué à l’échelle nationale. Dairy Farmers of Ontario, Manitoba Milk et Alberta Milk ont partagé le lien avec les producteurs et 147 d’entre eux ont répondu au sondage. Dans ce groupe, le niveau de connaissances en matière de production était très élevé, et la compréhension des aspects financiers était bien supérieure. Les personnes interrogées étaient plus jeunes que celles du groupe précédent et possédaient des exploitations plus grandes, ce qui peut signifier que l’intérêt pour l’entreprise ou l’accès à la formation varie en fonction de la taille de l’exploitation et de l’âge.
Que puis-je faire?
L’utilisation d’un sondage électronique nous a également permis de poser davantage de questions. Bien que le groupe anonyme semblait mieux informé en matière de finances, nous voulions tout de même connaître son opinion sur la formation dans le futur. Les réponses à la question suivante : « Dans quelle mesure devrez-vous améliorer votre niveau de gestion au cours des cinq prochaines années? » (sur une échelle de 1 à 10, 1 étant le plus faible et 10 étant le plus élevé) sont présentées dans la Figure 1. Les réponses varient de 0 à 9, mais la médiane est de 7 sur 10.
Je peux comprendre les participants. Vingt et un ans après avoir obtenu mon diplôme de vétérinaire, j’ai voulu en savoir plus sur les finances et la gestion des exploitations agricoles et j’ai décidé de retourner à l’Université de Guelph pour obtenir une maîtrise. Peu de gens voudront aller aussi loin, mais heureusement, d’autres options sont disponibles.
L’Université de Guelph s’est associée à RBC et à FAC pour offrir un cours intitulé Fondements de la gestion agricole. Ce cours en ligne gratuit est composé de huit modules couvrant la gestion d’entreprise, les bases de la finance et la planification de la relève. Dans notre sondage, les producteurs ont indiqué qu’ils préféraient apprendre au sein d’un groupe de pairs. C’est pourquoi je partage dans le Tableau 2 quelques ressources qui proposent un enseignement en personne.
Un accent sur la production laitière
À l’automne 2022, un collègue m’a fait part d’une idée. Il avait acheté une ferme laitière et continuait à travailler à temps plein comme vétérinaire tout en apprenant à gérer l’exploitation. Il cherchait des cours adaptés aux producteurs laitiers et m’a demandé de travailler à l’élaboration d’un programme pilote. Nous avons créé le Young Dairy Executive Club (Club des jeunes dirigeants d’entreprises laitières) avec un petit groupe de producteurs au cours de l’année 2023. Parmi les sujets abordés, nous avons discuté de communication, des bases de la finance et des liens entre la production et le profit. Les participants nous ont fait part des points forts et des suggestions d’améliorations. Bien qu’ils aient apprécié le volet enseignement, ils ont particulièrement aimé « le réseautage et les échanges avec d’autres personnes partageant des idées similaires, ce qui stimule le désir de s’améliorer ».
Enfin, si vous avez des questions spécifiques concernant la gestion de votre exploitation, n’oubliez pas de demander l’avis de votre comptable, de votre conseiller en financement, de votre vétérinaire et de votre nutritionniste. Ces personnes-ressources interagissent avec de nombreuses entreprises, ont des formations variées et peuvent offrir différents points de vue. Dans le prochain article, nous discuterons des meilleures façons d’encourager la communication entre vos conseillers.
Chris Church, DMV, MBA accompagne les producteurs en matière de production et de rentabilité par l'entremise de son entreprise, Central Dairy Solutions. Il présentera « L’aspect business de la production laitière » au 2025 Rendez-vous laitier AQINAC en mars, cliquez ici pour plus d'information.