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Je viens d’une famille de randonneurs. Mon père a gravi de nombreuses montagnes de notre région. Et comme il a fait ça avant Instagram, c’est donc que, manifestement, il aimait vraiment faire cette activité! Mes sœurs et mes beaux-frères, quant à eux, possèdent des livres entièrement consacrés aux sentiers de randonnée de la région du nord-ouest du Pacifique des États-Unis.
Pour ma part, j’opte pour l’ascenseur partout où c’est possible. Aussi, je n’ai jamais pris de photo lors de quelque randonnée que ce soit que j’estimais être meilleure que celle de la même scène publiée par National Geographic. Plutôt que d’en beurrer épais de manière poétique lors des réunions familiales à propos d’une quelconque ascension périlleuse à la conquête d’un sommet, je suis plutôt du type à contempler les détails des scènes immortalisées par un autre héros que moi-même travaillant pour National Geographic.
Quand j’étais enfant, ce que je préférais lors d’une randonnée de plusieurs jours, c’était la nourriture. Il y a quelque chose d’amusant à faire comme un astronaute et à transformer quelque chose qui ressemble à une éponge déshydratée en ce qui, une fois réhydratée, a toujours le goût d’une éponge! Le truc, c’était de toujours avoir faim pour ne pas se préoccuper de l’une des grandes joies de la vie, c’est-à-dire manger des aliments qui goûtent la nourriture.
Il y a aussi cette petite blague de mauvais goût que ceux qui adorent la randonnée font pour se moquer des gens qui n’y voient aucun plaisir. Dans mon cas, tout a commencé lorsqu’un ami m’a dit : « Je pars faire une « petite » randonnée dans la chaîne des Cascades dans l’espoir d’y repérer des ours », alors que la saison de la chasse approchait à grands pas. Sentant que j’avais quelques kilos à perdre et ne me souvenant pas du dernier National Geographic, j’ai accepté de relever ce petit défi. Pour être honnête, j’étais fébrile à l’idée de publier quelque chose sur Instagram avec des mots-clics comme #randonneur #motivé #abandonpasquestion #lavieaumax.
Il y avait pourtant des signaux d’alarme que j’aurais dû reconnaître plus tôt : c’était une soi-disant « petite » randonnée, mais nous allions chercher des ours, il n’y avait pas de sentiers et j’apportais avec moi une machette ainsi qu’une carte de la région pour éviter que nous nous perdions...
Nous sommes partis à 6 heures du matin. Après quatre heures de marche dans une paire de chaussures de randonnée que je venais d’acheter, mes pieds avaient des ampoules de la taille d’une pièce de 25 cents. Aussi, j’avais donné suffisamment de sang aux moustiques pour pouvoir recevoir une épinglette de la Croix-Rouge. Avec toutes les épreuves et les difficultés, j’avais presque oublié pourquoi j’ai une telle relation conflictuelle avec la nature : c’est parce que celle-ci me déteste! Mes allergies m’avaient mis dans un état lamentable, pris d’éternuement avec la respiration sifflante et les yeux rouges. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ce qui est une « petite » randonnée pour quelqu’un qui s’entraîne à faire de la randonnée sur les sommets enneigés est une activité d’un tout autre niveau pour moi qui fais de la randonnée une fois entre deux abonnements au National Geographic.
Il était 15 heures quand mon « ami » a réalisé que nous n’étions pas sur la bonne montagne et que nous devions en redescendre pour ensuite en gravir une autre.
À 20 heures, nous arrivions enfin aux abords d’un magnifique lac pour y monter la tente. Ce lac, je ne l’avais encore jamais vu dans le National Geographic. Nous nous sommes ensuite assis pour préparer notre repas d’astronautes sous le ciel le plus brillant et le plus étoilé que j’aie vu dans ma vie. Alors que nous nous installions pour dormir, un puissant cri à glacer le sang a retenti à proximité de la tente. Pour seule réaction, mon ami a simplement dit : « Ne t’inquiète pas, c’est juste un cougar. » Je ne suis pas sûr que « juste un cougar » est la formule appropriée pour décrire un animal capable d’arracher mon crâne de mon corps en me secouant violemment.
L’autre détail que mon cher ami a omis de mentionner était le fait que, comme nous allions être en haute altitude, il ferait froid. Le sac de couchage que j’avais apporté n’était pas certifié pour sa capacité à empêcher les gens de se transformer en popsicles humains! Ainsi, pendant sept heures, j’ai regardé le plafond de la tente en contemplant la vie, me demandant à quoi ressemblerait la mienne sans la plupart de mes extrémités, avant de me résigner à l’idée que ce ne serait pas un problème si je me retrouvais dans le système digestif d’un cougar.
Notre voyage de retour, lui, a consisté en un nouveau don de sang en traversant une véritable jungle, tout ça en évitant les cougars et en ayant failli tomber à deux reprises d’une falaise. Quant aux ours, nous n’en avons en fin de compte pas vu un seul!
Il est facile de faire une analogie entre la randonnée et la vie. Certes, il y a des hauts et des bas, il y a des moments où l’on ne peut avancer qu’en mettant lentement un pied devant l’autre. Il y en a d’autres où nous avons envie de tout arrêter. Mais, bon nombre de mes meilleurs souvenirs sont les moments de ma vie où les choses étaient difficiles. Il y a des moments où, sur le coup, nous ne savons pas comment continuer; pourtant, une fois l’obstacle surmonté, nous réalisons que ce sont là les moments qui nous ont le plus fait grandir. En prime, ces moments peuvent aussi nous fournir un bon prétexte pour raconter des histoires en les exagérant un brin!
Alors, même si je ne vous recommande pas d’annuler votre abonnement au National Geographic, je ne peux que vous encourager à sortir en nature, à rechercher des défis ambitieux et à les réaliser!
Dwayne Faber est écrivain, conférencier et producteur laitier. Lui et sa famille exploitent des fermes dans l’Oregon et à Washington. Pour le contacter, visitez son site Web ou suivez-le sur Twitter (@dfaber84).