Afin de mesurer de façon précise la marge alimentaire d’une ferme laitière, il faut considérer l’alimentation totale requise dans le troupeau pour produire un certain quota donné.

Marquis nicolas
Expert, stratégie d’affaires agricole – production laitière / Sollio Agriculture

Dans un premier temps, pour bien comprendre la marge alimentaire par kilogramme de gras d’un troupeau, il faut se rappeler que l’on parle du revenu net de la paie de lait auquel on a soustrait les dépenses alimentaires totales du troupeau. La Figure 1 démontre une corrélation positive entre la marge par kilogramme de gras du troupeau et le nombre de kilogrammes de gras par vache produit. Mais là où j’attire votre attention, c’est au niveau des écarts concernant la marge par kilogramme du troupeau pour des troupeaux d’un même niveau de production, et ce, peu importe le niveau de production.

Très souvent, dans les analyses de performances économiques des fermes laitières, on essaie de trouver une corrélation entre différents niveaux de production et la meilleure marge alimentaire afin d’avoir une cible et un chiffre magique à viser. Le problème est que pour un même niveau de production, certaines fermes sont parmi les meilleures et d’autres se retrouvent parmi le groupe de fin quant à la marge alimentaire par kilogramme. Les conclusions ne sont donc pas évidentes à tirer et souvent, le niveau de production est même pointé comme facteur négatif à l’atteinte d’une meilleure marge. 

Il est vrai qu’il est possible d’avoir une excellente marge par kilogramme peu importe le niveau de production. Ce qui représente toutefois le revenu de la ferme est la marge par kilogramme multipliée par les kilogrammes de gras livrés : produire son quota s’avère donc une variable essentielle. De plus, si la marge est déjà bonne à la base et que le niveau de production augmente, l’impact sera majeur sur le nombre de sujets à garder en moins en inventaire, ce qui peut aider à améliorer la marge encore davantage. 

Prenons en exemple dans la Figure 1, des fermes à 1,30 kilogramme de gras livré par vache par jour.

Advertisement

54144-marquis-fig1.jpg

Pourquoi certaines ont une marge de troupeau de 9,50$, de 10,50 $ ou encore de 11,50 $? Nous constatons que le niveau de production ne garantit pas de façon absolue la marge par kilogramme, bien que la corrélation soit positive. Un autre facteur à considérer est le revenu net après la déduction des coûts pour produire ce kilogramme de gras vendu (p. ex : 18 $). Les niveaux de protéine, de lactose et d’autres solides qui l’accompagnent seront des éléments importants de la marge, de laquelle on enlèvera les coûts par kilogramme totaux du troupeau (p. ex : 7,50 $).  

Des rations cohérentes avec le niveau de production

Il est possible de livrer 1,3 kilogramme de gras par vache par jour avec un, deux ou trois groupes en ration totale mélangée (RTM), avec une alimentation vache par vache ou encore avec une ration partiellement mélangée (RPM) dont les vaches sont supplémentées au robot. Il est possible de livrer ces performances avec une moyenne 140 jours en lactation moyens (JEL) ou 220 JEL, avec 20 % ou 45 % de primipares. Il est possible d’alimenter avec une multitude de combinaisons possibles, mais si la ration supporte une production de 40 litres par vache en moyenne et que le lait réellement produit est à 32 litres par vache, le coût par kilogramme sera élevé et la marge sera affectée négativement. 

De plus, si la ration est parfaite au niveau de la formulation à moindre coûts, mais que le facteur limitant n’est pas dans l’ordinateur et que la ration ne se convertit pas en lait et en composantes à la ferme, les résultats au niveau de la marge seront décevants. Par exemple, un programme de transition déficient qui ne favorise pas un vêlage en santé et ne maximise pas les pics de lactation, un manque de confort, des problèmes au niveau des onglons, une qualité et une quantité d’eau inadéquates, des ensilages avec de mauvais profils de fermentation, une régie de mangeoire déficiente, une ration non uniforme, etc. 

Plusieurs facteurs peuvent interférer pour expliquer les différences de marges pour des fermes de mêmes niveaux de production. Certaines fermes, avec les rations servies actuellement, pourraient performer beaucoup mieux, car le facteur limitant n’est pas dans la ration. Pour d’autres, la ration est effectivement le facteur limitant le gain de rentabilité. Une ferme efficace qui dégage une bonne marge à 1,2 kilogramme de gras produit par vache par jour en ferait fort probablement de même à 1,3 ou à 1,4 kilogramme, car la base est avant tout de dégager la meilleure marge possible pour le troupeau pour un niveau de production donné : mais une fois que c’est fait, le gain de production peut facilement se traduire en rentabilité supérieure. 

Rentabilité supérieure

Si nous avions la chance d’avoir trois fermes identiques au niveau de la régie, de l’environnement et de la génétique qui produisent 1,2, 1,4 ou encore 1,6 kilogramme de gras par vache par jour, il y a fort à parier que la marge par kilogramme ressemblerait à notre figure avec des marges en légère progression, passant de 10,50 $ à 11,00 $ par kilogramme. Pour une ferme de 100 kilogrammes de quota, c’est une différence de 50 $ par jour ou de 18 250 $ par année. Cette différence vient principalement du nombre total de sujets en inventaire à alimenter, mais l’impact principal sur la rentabilité globale de ces fermes doit se mesurer bien au-delà de l’alimentation.

 Regardons un cas réel. Une ferme a livré 128 kilogrammes de gras dans les 12 derniers mois, ce qui représente 1,67 kilogramme en moyenne par vache, avec un coût en concentrés de 0,50 $ de plus par hectolitre en comparaison avec la moyenne. Ce qui est intéressant est que la marge dégagée par kilogramme pour le troupeau est de 0,62 $ supérieure à la moyenne. Pour 128 kilogrammes de gras par jour, c’est une marge alimentaire plus élevée de 79,36 $ par jour ou de 29 000 $ par année.  

Avec l’objectif de baisser ses coûts de concentrés par hectolitre, quel serait l’impact sur le nombre d’animaux à garder en inventaire du fait d’accepter une baisse de production à 1,4, 1,3 ou encore 1,2 kilogramme de gras? En se fiant au Tableau 1, 65 animaux additionnels seraient essentiels (incluant 36 vaches), pour livrer le même quota.

54144-marquis-tbl1.jpg

Avec plus de vaches, il y a davantage de revenus provenant de la vente de taures, de veaux ou de vaches de réforme, mais il existe également plus de dépenses d’alimentation totales du troupeau, de frais de logement, d’inséminations, de médicaments, de frais vétérinaires, de main-d’œuvre, etc. Dans ce cas, avec 1,2 kilogramme de gras livré, nous aurions un impact négatif annuel de 39 330 $ causé par ces 65 têtes en inventaire de plus. La main-d’œuvre est incluse dans le calcul, mais encore faut-il la trouver!

Pour une ferme qui veut améliorer sa marge alimentaire et le solde résiduel de sa ferme, il faut bien connaître le point de départ et se mesurer avec des outils performants qui tiennent compte de notre réalité : le quota. Le coût par kilogramme de gras est la façon de mesurer les coûts d’alimentation. La marge par kilogramme de gras multipliée par les kilogrammes livrés est la façon de mesurer la marge alimentaire. 

Mais au-delà de la marge alimentaire par kilogramme, il ne faut pas oublier les frais reliés aux animaux en plus ou en moins pour livrer un même quota qui impacteront le solde résiduel de la ferme. Il faut toujours faire attention aux coûts d’alimentation, oui, mais sans sacrifier le revenu, car le résultat ultime et le plus important, n’est-ce pas celui de dégager le meilleur solde résiduel en produisant le quota avec la meilleure marge par kilogramme et en attaquant l’ensemble des charges?