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L’humanité doit beaucoup à la vache.
Premier animal sauvage à être domestiqué, le grand aurochs a commencé, il y a 10 000 ans de cela, à être capturé par les humains, qui l’ont élevé de manière sélective pour obtenir de lui un comportement plus docile. Cette pratique novatrice s’est avérée payante pour le développement et la survie de l’humanité. Du coup, les êtres humains disposaient d’un approvisionnement plus constant en viande – sans avoir à chasser le dangereux animal – ainsi qu’en engrais pour les cultures et en force de travail pour aider à les planter. Finalement, ils ont commencé à traire les vaches qu’ils élevaient, leur permettant de convertir des protéines non comestibles – l’herbe – en quelque chose qui peut être mangé : le fromage et le yogourt d’abord, puis le lait lui-même une fois qu’ils ont développé une tolérance à ce dernier.
Étant donné que la vache était essentielle au maintien de la vie humaine, il n’est pas surprenant qu’elle apparaisse si souvent dans la mythologie des cultures anciennes. Partout dans le monde, les premières civilisations vénèrent souvent comme un dieu l’image d’une vache ou pratiquent des traditions qui impliquent des vaches sacrées. C’est possiblement la créature ayant été la plus vénérée par les sociétés passées, un culte stimulé par leur dépendance à leurs troupeaux bovins. Pour explorer cela, voici quelques exemples qui illustrent la récurrence au cours de l’histoire de l’archétype de la vache mythologique.
Mehet-Weret dans l’Égypte ancienne
Dans l’ancienne Égypte, on croyait que le monde avait été créé par la déesse Mehet-Weret. Représentée sous la forme d’une vache ayant un disque solaire entre ses cornes, elle donne naissance au soleil chaque jour et est par conséquent à l’origine de toute vie. On lui attribue également la crue annuelle du Nil, qui fournit de l’eau et de la terre végétale pour les cultures. Dans l’Égypte antique, découlant de l’œuvre de Meret-Weret, la vache était considérée comme un symbole de fertilité.
Les bœufs d’Hélios dans la Grèce antique
Hélios, le dieu grec du soleil, aurait eu sept troupeaux de bœufs et sept troupeaux de moutons, tous des animaux particulièrement sains et vigoureux. Dans L’Odyssée d’Homère, Ulysse est averti d’éviter l’île d’Hélios – que l’on croit être la Sicile moderne – mais il y accoste tout de même. Son équipage le supplie pour quitter le navire et préparer le repas à terre. Bien qu’avisés de laisser les bœufs tranquilles, les hommes d’Ulysse en sacrifient néanmoins certains aux dieux. Finalement, en guise de punition, Zeus envoie un éclair pour détruire le navire, châtiment duquel seul Ulysse survit.
Glas Gaibhnenn dans l’Irlande médiévale
Glas Gaibhnenn était une vache prisée qui donnait des rendements extrêmement élevés. Elle était sous la garde d’un forgeron nommé Gaivnin, jusqu’à ce qu’elle soit volée par le géant Balor. La prophétie disait que Balor serait tué par son propre petit-fils. Pour éviter cela, le géant avait décidé de garder sa fille enfermée dans une tour, où elle ne pourrait pas tomber enceinte. Mais, une banshee – créature féminine magique de la mythologie – avait alors transporté Gaivnin dans la tour, où il allait concevoir un enfant avec la fille de Balor. Malheureusement, dans tous les textes qui ont subsisté, le sort de Glas Gaibhnenn demeure incertain.
Auðumbla dans la mythologie nordique
Les Scandinaves aussi croyaient qu’une vache avait été au cœur de la création du monde. Le premier être vivant, le géant Ymir, est ultimement devenu celui de qui descendent tous les êtres mortels. Mais, pour survivre, il a bu le lait d’Auðumbla, une autre entité originelle. À propos de cette vache mythologique, il importe en outre de mentionner que, comme le rapporte le livre de l’Edda en prose écrit au XIIIe siècle, Auðumbla a léché des roches de sel jusqu’à ce qu’elle déterre Búri, le premier dieu nordique.
Dans les religions modernes
Les exemples cités plus haut remontent à des milliers d’années. Cependant, la vache continue d’être une figure importante dans les grandes religions encore pratiquées aujourd’hui. C’est notamment le cas dans l’hindouisme, où la vache se voit conférer un statut sacré. Actuellement, il est illégal dans certaines régions de l’Inde d’abattre quelque bovin que ce soit tandis que dans d’autres régions, cela n’est autorisé que dans certaines circonstances. En plus de la croyance que tous les êtres vivants ont une âme et d’une pratique de la non-violence envers toutes les formes de vie, la vache apparaît souvent dans les anciens textes hindous, comme étant associée au dieu Krishna.
La vache est également présente dans d’autres religions contemporaines. Au sein de certaines sectes du bouddhisme, on croit que les bovins sont des êtres humains qui se sont réincarnés dans des cycles de renaissance sans fin et que, comme dans l’hindouisme, abattre une vache est tabou. Du côté du christianisme, l’Ancien Testament déclare que les Israélites adoraient l’image d’un veau d’or, tandis que le livre des Nombres suggère que sacrifier une vache rousse était nécessaire pour purifier quelqu’un ayant touché au cadavre d’un humain. Enfin, dans l’Islam, l’abattage rituel de bovins était autrefois une composante importante de la fête musulmane de l’Aïd al Adha.
Tout commence avec la vache
La domestication des bovins a été une étape révolutionnaire pour l’humanité. En plus d’avoir davantage de contrôle sur leur source de nourriture, les humains n’étaient plus contraints à être nomades. Une fois sédentarisées, les communautés ont pu se développer, puis elles ont commencé à inventer des histoires pour les aider à mieux comprendre leur existence. Compte tenu de l’importance des vaches dans ces sociétés du passé, il n’est pas étonnant que celles-ci aient si souvent joué un rôle de premier plan dans les mythologies anciennes et qu’elles continuent de faire partie des croyances pratiquées de nos jours.