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Du grain jeté sur les gens, des chèvres effrayantes, de gros ours, des vampires… On ne parle assurément pas assez du fait que Noël en Roumanie, c’est du sérieux!
Comme la plupart des pays européens, la Roumanie a commencé à célébrer Noël après avoir été christianisée par les Romains. Les citoyens ont par contre été découragés de le faire entre 1948 et 1989, époque où ils vivaient sous le régime communiste. Bien qu’elles aient été interdites pendant près d’un demi-siècle, de nombreuses traditions anciennes – et inhabituelles – sont toujours présentes dans le pays.
Le temps des Fêtes en Roumanie commence officiellement le 30 novembre avec la fête de Saint-André. La nuit précédente, souvent appelée La Nuit du loup, les Roumains sont encouragés à accrocher des crucifix et de l’ail à leurs portes pour éloigner les mauvais esprits, y compris les vampires. (Ce n’est pas un hasard si le comte Dracula est originaire de Transylvanie, une région du centre de la Roumanie.) Ceux qui ont réussi à ne pas se faire mordre peuvent célébrer le matin le jour de la Grande Union, la Fête nationale de la Roumanie. Chaque ville propose des concerts gratuits, des festivals de rue, des plats traditionnels et de nombreuses occasions de faire la fête toute la nuit.
Depuis l’époque médiévale, les chants de Noël suscitent un vif enthousiasme auprès des Roumains. La nuit de Noël, les enfants se rendent dans les résidences de tout le pays pour y chanter en échange de pièces de monnaie ou de petits cadeaux. Généralement, ils transportent avec eux une perche surmontée d’une grande étoile représentant l’étoile de Bethléem.
Cependant, dans certains villages, la tradition est plus particulière. Il y a certains endroits de Transylvanie où l’aîné de la famille doit saluer les chanteurs et jeter du blé ou du maïs à leurs pieds. Plus tard, ces céréales serviront soit à nourrir les poules qui, conséquemment, pondront plus d’œufs, soit à être mélangées aux semences du printemps suivant, ce qui améliorera le rendement des cultures. Dans d’autres villes de Transylvanie, les premiers chanteurs doivent être des hommes pour porter chance. Enfin, dans le nord de la région de la Bucovine, c’était autrefois la tradition que les enfants se réunissent pour se demander mutuellement pardon avant de commencer à chanter.
Les jours précédant Noël en Roumanie sont célébrés en grande pompe. En plus des chants, certains villages demandent aux hommes et aux garçons de jouer de la musique traditionnelle tandis qu’un homme danse en costume de chèvre. Ce personnage nommé « Capra », orné de fourrures et de pompons colorés, se déplace en tenant un pot en bois souple qui produit un bruit de cliquetis. Le travail du Capra est d’effrayer les mauvais esprits qui pourraient descendre sur la ville.
En Bucovine, c’est en ours que les hommes se déguisent. Les Géto-Daces, peuple ancien qui habitait autrefois la région, croyaient que l’ours était un animal sacré. Pour honorer cela, un rituel spécial représentant la vie et la mort de l’ours est organisé à Noël. Par ailleurs, dans d’autres régions de Roumanie, une crèche vivante est animée par des adolescents, tandis que dans le Banat au sud-ouest du pays, des corps de tambours composés d’hommes célibataires vont se faire entendre de maison en maison.
Toutefois, une tradition roumaine de Noël a été critiquée au cours des dernières décennies. L’une des coutumes les plus anciennes du pays, qui a lieu le jour de la Saint-Ignace – le 20 décembre – veut que presque toutes les familles d’une zone rurale tuent un cochon en lui coupant la gorge. La loi de l’Union européenne stipule que tout animal abattu doit d’abord être étourdi. Cependant, lorsque la Roumanie a rejoint l’UE en 2007, une décision a dû être prise à ce sujet, car il n’était pas possible pour chaque famille roumaine de disposer de l’équipement approprié ou de faire appel à un professionnel. Finalement, il a été décidé que la Roumanie allait bénéficier d’une exception autorisant ses citoyens à abattre les porcs de manière traditionnelle uniquement à Noël. Après avoir tué le cochon le matin, toute la famille passe le reste de la journée à désosser la viande et à faire fondre la graisse.
Aussi uniques que soient de nombreuses pratiques du temps des Fêtes en Roumanie, elles partagent néanmoins certaines coutumes qui nous sont familières. Les Roumains décorent un sapin et le Père Noël arrive pour apporter des cadeaux. La saison culmine avec une grande fête le jour de Noël remplie de plats traditionnels tels que des saucisses de porc, des jarrets de porc à la sauce aux haricots, de l’aspic de porc à l’ail et, enfin, de la sarmale, un plat de feuilles de chou marinées farcies de porc, de bœuf et de riz. Quant au dessert, c’est un gâteau aux noix et aux fruits – le cozonac – et beaucoup de tuica, cet alcool roumain à base de prunes. Puis, une fois tout terminé, il faudra aux gens encore 11 mois avant de devoir à nouveau s’inquiéter pour les vampires.
Incorporant les coutumes de différentes époques de son long passé, le peuple roumain accueille cette fête avec un enthousiasme absolu. À vrai dire, toute la tradition de Noël roumaine est le parfait exemple pour illustrer à quel point le monde peut parfois être fascinant.
Joyeux Noël à tous, où que vous soyez dans le monde pour le fêter!
Ryan Dennis est écrivain et fils d’un ancien producteur laitier de l’ouest de l’État de New York.