Une passion familiale pour les expositions, combinée à des soins méticuleux apportés à chaque vache – c’est la recette du succès de la ferme Vieux Village, située à Piopolis, au Québec. Incursion dans le monde des Foley avec Bianca, une des trois enfants de la troisième génération, qui tiennent avec leur père les rênes de cette ferme peu ordinaire.

Hebert lussier veronique
Rédactrice-pigiste (Freelance Writer)

La ferme Vieux Village a débuté avec le grand-père de Bianca, qui possédait alors 10 vaches en plus d’être bûcheron. Mais c'est le père de Bianca, Florent, qui lui a résolument donné sa forme contemporaine en 1978, lorsqu'il a acheté une première Ayrshire pur-sang. Puis deux autres au cours des années suivantes. « Ces trois vaches-là ont vraiment formé le troupeau du Vieux Village, raconte Bianca. Leurs descendances, ça a été de grandes vaches d’exposition, qui gagnaient souvent. On a fait énormément d’embryons avec elles et ça a fondé le troupeau du Vieux Village. Tout le troupeau est issu de ces trois vaches. »

Et pourquoi avoir choisi et persévéré avec la vache Ayrshire? « Question de goût. Toutes les races de vaches sont excellentes et ont des caractéristiques intéressantes. Notre famille est passionnée par la Ayrshire. C’est une battante, une vache rustique. Si elle est malade, elle va se battre jusqu’au bout pour retrouver la forme. La reproduction est également assez facile avec cette race. » 

Maintenant composé de 100 têtes, dont 50 vaches en lactation, le troupeau a une classification plus qu’enviable : 29 Excellentes, 34 Très Bonnes et 1 Bonne Plus. « On a même 4 Excellentes avec un pointage de 95 », note fièrement Bianca. 

0223fr-hebert-lussier-2.jpgMoment marquant de l’année 2022 pour Bianca : le juge Mark Rueth décerne la grande championne à la 2 ans junior Vieux Village G Montana à la Royal Winter Fair de Toronto en novembre dernier. Photo par Ella Wright.
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La ferme est également autosuffisante pour les fourrages, avec 400 acres de terres, dont 250 en cultures et pacages, et quelques locations près de la ferme pour la culture du foin.

Une passion pour les expositions

« Ma sœur Vicky et moi, on a grandi dans le monde des expositions, décrit Bianca. À l’âge de 5 ans, on a commencé à en faire avec les Jeunes Éleveurs. On adorait ça et la passion ne s’est jamais essoufflée. Chaque année, nous présentons des vaches au Québec, à Toronto et aux États-Unis. » 

La préparation aux expositions représente un travail à l’année : les vaches et génisses choisies sont tondues, lavées et les onglons sont taillés tous les mois. Malgré le travail colossal que cela représente, le jeu en vaut la chandelle. « Voir une vache parader et constater tous les efforts qu’on a mis, c’est incroyable, raconte Bianca. Tu te dis “c’est notre vache à nous ça, wow!” ». Mais rien n’égale le fait de conduire une Grande Championne, comme c’est arrivé à Bianca l'année dernière à la Royal, où leur vache de 2 ans a gagné le titre de Grande Championne, alors que la vache de 3 ans a gagné celui de Grande Championne de Réserve. « Je pensais que le cœur allait m’arrêter. C’était le plus beau jour de ma vie! ».

Chaque vache compte

Quel est le secret du succès de la ferme Vieux Village, qui leur permet de s’illustrer dans les jugements? « Notre force, c’est notamment la longévité de nos animaux », explique Bianca. Alors que la durée de vie moyenne nationale d’une vache est de près de 5 ans, les Foley ont deux vaches de 15 ans et trois de 14 ans, et elles vêlent toutes à chaque année.

Selon Bianca, c’est la durée de vie qui fait la rentabilité de l’animal : « Élever une génisse jusqu’à l’âge de 2 ans coûte environ 2 500 $. Puis, chaque fois qu’elle vêle, c’est de l’argent qu’on met dans nos poches. Notre but, c’est d’en prendre soin pour qu’elle puisse faire le plus de lactations possibles. »

0223fr-hebert-lussier-3.jpgFlorent et Vicky Foley posent fièrement au Suprême Laitier en août 2022 avec la Grande championne Vieux Village Gentleman Joy TB-89. Cette vache 3 ans senior répéta son exploit quelques semaines plus tard au Eastern State Exposition à Springfield, Massachusetts.  

La stratégie de la ferme est donc claire : miser sur les caractéristiques génétiques optimales lors de la reproduction pour avoir de belles vaches d’exposition. Puis, lorsque la vache atteint sept ans, c’est la retraite des jugements. La lactation et la génétique deviennent alors les points les plus importants, avec le bien-être de la vache. « On utilise la génétique d’une vache avec un bon taureau pour que ses filles soient encore plus belles, explique Bianca. Et les vaches plus âgées continuent d’améliorer leur classification année après année. » 

Puisque la famille Foley est très sensible au bien-être de ses animaux, elle conduit chaque semaine son troupeau entier au pâturage de mai à novembre. Même l’hiver, les vaches et génisses d’exposition sortent une fois par semaine à l’extérieur, question de se dégourdir les pattes. Selon Bianca, « Envoyer les vaches dehors, c’est bon pour la santé mentale et physique des animaux. Même si la vache donne moins de lait en allant au pâturage, c’est meilleur pour sa santé, ses pattes et sa longévité, et c’est ce qui est le plus important pour nous. En plus, elles côtoient nos trois chevaux belges, donc quand elles voient des chevaux durant les expositions, elles n’en ont pas peur! »

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Une autre année couronnée de succès pour Vieux Village : un doublé pour la ferme alors que leur 2 ans junior se mérite le titre de Grande Championne et que leur 3 ans senior se voit décerner celui de Grande Championne de Réserve à la Royal Winter Fair de Toronto 2022, en plus de tous les autres prix raflés au courant de la saison. Photo par Vicki Fletcher.

Le fait que les vaches vivent partiellement à l’extérieur est un gros avantage quand vient le temps de performer durant les expositions. Comme les animaux sont davantage exposés à des bruits et des environnements différents, elles s’adaptent bien aux changements et sont calmes lorsqu’elles sont en déplacement ou sur les terrains d’exposition. « Nos vaches, à l’exposition, elles mangent comme si elles étaient à l’étable chez nous, dès la première journée. On entend souvent des producteurs raconter que les vaches ne mangent pas les deux premiers jours sur le terrain, parce qu’elles sont stressées et nerveuses. Chez nous, ça n’arrive pas », raconte Bianca. 

C’est une décision qui engendre du travail additionnel pour la famille, qui estime avoir besoin d’une trentaine de minutes par traite pour rentrer les vaches. « Je comprends les producteurs avec de grands troupeaux qui font le choix de ne pas envoyer leurs animaux dehors, confirme Bianca. Nous avons fait le choix de rester plus petits et de miser sur la santé et la longévité des animaux, parce que c’est notre priorité. »

0223fr-hebert-lussier-6.jpgLa future génération : les 4 petits-enfants aiment bien venir à la ferme – Kim, Noémie et Michael (à la droite) posent avec leur génisse, et Emma-Rose (gauche) avec sa vache. Kim et Noémie sont les filles de Nicolas Foley, alors que Steve Foley est le père de Michael et Emma-Rose.  Photos fournies par la ferme Vieux Village.
0223fr-hebert-lussier-5.jpgPhoto fournies par la ferme Vieux Village. 

Prioriser le contact 

La tâche préférée de Bianca est la traite du matin. « Notre ferme est très peu robotisée, parce que nous voulons prioriser le contact avec les animaux. Quand je fais la traite, je lave le pis de ma vache, et je trippe. Le pis est beau, la vache est belle, je rêve à tous les croisements que je pourrais faire et à l’avenir de chaque vache. J’ai le temps de les admirer et d’être seule avec chacune d’entre elles ». 

Le contact avec l’animal fait partie des valeurs de la ferme. Même la moulée est donnée au chariot et à la pelle, ce qui, selon Bianca, permet de voir s’il y a quelque chose qui cloche : « Est-ce que la vache lève le nez sur sa ration? Est-ce qu’elle est affamée? » L’interaction se fait en direct, ce qui permet d’intervenir immédiatement.

Alors que les fermes laitières grossissent au fil du temps, la ferme Vieux Village demeure à échelle humaine. Dans cette étable où chaque vache est traitée comme un membre de la famille, les objectifs sont bien établis et tous travaillent ensemble, chaque jour, pour les atteindre. « Pour avoir du succès dans les expositions, il faut croire en ses rêves, ne jamais abandonner et travailler fort, conseille Bianca Foley. Ça prend aussi une petite dose de chance. Faire tout ça ensemble, en famille, c’est inestimable! »